Quand les Arts se mettent à table : Préambule : Bruno, le boulang’artiste
Un jour de Décembre 2017, nous avons rendu visite à Bruno Solquès, dans sa pittoresque Boulangerie au 243 rue Saint Jacques dans le 5ème arrondissement de Paris.
S’il est entendu que le Quartier Latin est celui de la librairie, de l’édition, du cinéma et des galeries d’art, bref de ce qu’on appelle le « commerce culturel », il est aussi celui des cafés et des restaurants — Le Procope, premier de nos cafés-restaurants, fondé en 1686, se trouve au 13, rue de l’Ancienne Comédie dans le 6ème arrondissement. Rappelons que le français, la langue comme le Français qui la parle, ne dissocie pas l’échange des marchandises d’un art de la parole qui fonde la sociabilité, définit la civilisation et qu’on nomme précisément « commerce » (renvoi au texte programmatique du site). Tout commerce est peu ou prou culturel pour autant qu’il participe de cette culture de la parole et de la conversation qui caractérise notre modèle de sociabilité et, a fortiori, les « commerces de bouche » qui ont fait la réputation de la gastronomie française.
De là une espèce de paradoxe français si l’on considère qu’on ne doit pas parler la bouche pleine d’un côté, et que de l’autre on fait du repas l’instant privilégié de l’échange de paroles des plus futiles aux très utiles, de celles qui aboutissent à des contrats commerciaux ou à des traités diplomatiques. On sait ce que la diplomatie de Talleyrand au Congrès de Vienne doit à son cuisinier Carême…
Sans aller plus avant, car ce serait raconter toute l’histoire de notre pays à travers ses manières de table et sa gastronomie, l’idée de cette rubrique est de mettre en évidence l’importance culturelle de cet art de la table dans toutes ses déclinaisons : commerces de bouche et représentations littéraires ou artistiques. Pour reprendre le titre de Jean-François Revel , « Un festin en paroles », la littérature nourrit notre imaginaire de repas : faméliques ou pantagruéliques, fantasmés ou réalistes. On mange sinon beaucoup du moins souvent dans les romans et en particulier dans ceux qui se passent au Quartier Latin. Les écrivains sont aussi des ventres qui peuvent être hantés par la faim. Alexandre Dumas ne se contente pas de faire manger ses personnages, il écrit un inépuisable Dictionnaire de cuisine. Et que dire des natures mortes qui exposent les victuailles convoitées (renvoi à l’article sur Arcimboldo). Les arts, y compris les 7ème et 8ème, font saliver…
Pour inaugurer cette rubrique, le Comité Quartier Latin a fait peu avant Noël ce petit reportage avec une vidéo réalisée par Patrice Levallois et Nicole Medjewski sur l’art de la céramique croisé avec celui de la boulange en la personne de
Bruno, le boulang’artiste
Bruno Solques, artiste boulanger, 243 rue Saint-Jacques, a pour passion la céramique. Il décore sa boutique de figures, d’animaux, de fleurs et autres réalisations en céramique à ses moments perdus. Pour Noël, il a fait une crèche grandiose. Ses viennoiseries sont aussi originales et talentueuses que ses céramiques. Deux fours et deux savoir-faire qui se nourrissent l’un l’autre. Authentique commerce culturel puisque ne voulant pas monnayer son talent, il n’œuvre que pour l’amour de l’art et le plaisir de ses clients. Sa boutique est un régal pour les yeux auquel s’ajoute le charme d’une voix ensoleillée et d’une chaleureuse parole. Sans aucun doute, l’un des lieux les plus magiques de notre quartier.
Pour compléter la recette de la Tourte niçoise que nous donne Bruno Solques dans cette vidéo (il la réalise aussi avec des épinards), celle d’Alexandre Dumas dans son Dictionnaire de cuisine :
Tourte d’épinards. Épluchez bien vos épinards ôtez-en les queues, lavez-les à plusieurs eaux, mettez-les dans une casserole avec de l’eau, faites-les cuire, retirez-les, égouttez-les, laissez-les refroidir, pressez-les pour en exprimer tout le jus, pilez-les bien dans un mortier avec de l’écorce de citron vert confit, du sucre et un morceau de beurre frais avec un peu de sel ; foncez une tourtière d’une abaisse de pâte feuilletée, étendez dessus les épinards le plus également que vous pourrez, faites des façons de bandes de feuilletage et un cordon autour et mettez la tourte cuire. Quand elle est cuite, râpez du sucre dessus, glacez-la avec la pelle rouge, dressez-la sur un plat et servez chaudement.
Image : Tourte niçoise de Bruno Solques aux épinards
Images de l’auteure ©.
Quand les Arts se mettent à table : Arcimboldo