Tombeau pour Isabelle 

Isabelle Rivals

« Tombeau pour Isabelle » 

Le décès brutal d'Isabelle Rivals (1967-2024), le 11 avril dernier, a été un choc pour tous ceux qui l'ont connue que ce soient ses collègues de l'ESPCI, ou tous ses amis et, parmi eux, les membres du Comité Quartier Latin dont elle était devenue, en tant que secrétaire-adjointe, la cheville ouvrière.
C'est elle qui avait eu l'initiative des promenades sur les traces de l'enceinte de Philippe Auguste et des deux conférences de Jacqueline Lalouette, celle du 2 décembre 2023, « Histoire d’un monument : de l’église Sainte-Geneviève au temple des Grands Hommes » et celle du 30 mars dernier : « Les panthéonisé(e)s : chronologie, genre et sociologie ».
C'est elle qui avait pris la charge de notre site web qu'elle alimentait de « ses mots du jour », mots rares et très personnels.
Le dernier était LOS, « louange » (los). Que los soit donc ici rendu à son dynamisme, à sa gentillesse et à sa façon de toujours dire présente et partante, elle qui est partie trop vite… 


Mais qui était Isabelle? 
Scientifique très pointue, elle était maître de conférences à l'ESPCI, rattachée à l'Equipe de Statistiques Appliquées et titulaire d'une Habilitation à Diriger des Recherches de l’Université Paris VI sur les « Algorithmes et outils statistiques pour la modélisation et la commande non linéaires de processus avec des réseaux de neurones formels »… 
Elle avait publié en 2003 avec Léon Personnaz aux éditions du CNRS, Réseaux de neurones formels pour la modélisation, la commande et la classification
Les hommages et souvenirs recueillis sur le site inmemori à elle dédié vantent son implication, voire son enthousiasme et son énergie dans tout ce qu’elle entreprenait : enseignement, sports, yoga, loisirs, culture, la liste n’est pas exhaustive tant les centres d’intérêt de cette curieuse avide de savoirs étaient éclectiques, voire universels. 
C’est du reste cette curiosité de tout et de tous qui l’a branchée pour ainsi dire sur notre Comité où elle n’a pas tardé à prendre une place prépondérante. 
Au hasard de ses découvertes culturelles dans le vieux Paris, Isabelle  avait sympathisé avec un membre de notre association, Glenn Horn, guide américain qui organise des balades philosophiques dans le Quartier Latin et plus particulièrement celles, devenues rituelles, que nous organisons pour le Festival Quartier du Livre. Il a noté, à la date du 15 juillet 2022, la présence d’une jeune femme charmante, vive, souriante, joyeuse qui est revenue seule malgré la canicule. De là une promenade de trois heures agrémentée d’échanges philosophiques. Le 19, Glenn l’introduisait dans notre cercle à l’occasion d’une rencontre avec Lorraine Liscio, universitaire américaine qui nous proposait une conférence sur la physicienne Émilie du Châtelet et, le 15 septembre 2022, Isabelle ouvrait les portes de son école à notre association pour cette conférence grâce à elle aboutie : « Émilie du Châtelet, une femme hors normes ».   
D’autres parmi les membres du CQL pourraient parler de la cinéphile, de son amour de l’opéra, mais aussi de sa gourmandise et, pour tout dire, de son amour de la vie qui rend sa disparition d’autant plus surprenante, sauf, peut-être, à la référer à « son » poète d'excellence et d'exigence, son auteur culte, Stéphane Mallarmé, dont le portrait trônait dans son bureau. « J'attends une chose inconnue », disait Hérodiade, sans parler de « l’éternel azur » accablant et de tant de « Tombeaux » et de vers funèbres dans l’Œuvre mallarméen. 
Plutôt que de les citer, évoquer dans ce « Placet futile » à une « Princesse », ses « ris framboisés » et ses « sourires » :


Nommez-vous… toi de qui tant de ris framboisés 
Se joignent en troupeau d’agneaux apprivoisés 
Chez tous broutant les vœux et bêlant aux délires, 
Nommez-nous… pour qu’Amour ailé d’un éventail 
M’y peigne flûte aux doigts endormant ce bercail, 
Princesse, nommez-nous berger de vos sourires. 


Comme le dit Glenn Horn, « le plus important chez elle, c'était sa manière de faire, son enthousiasme, son énergie, son sourire, sa bienveillance, sa gentillesse, son humilité mais aussi son esprit rigoureux et droit. Elle semblait adorer être avec nous et au service de notre cause [celle du CQL] mais encore plus, à la cause de tout ce qui rend la vie plus belle, plus agréable, plus facile, plus intéressante, plus juste, plus vraie pour l'humanité ». 
Une immense perte… 
 

Françoise Chenet