La librairie Le Point du Jour

Alain Garabiol
Devanture de la librairie "Point du jour"

Une librairie du quartier latin engagée et différente

C’est d’abord une impression de joyeux désordre : devant la librairie, des dizaines de livres étalés dans tous les sens, et sans homogénéité. "Bartleby" de Hermann Melville côtoie "Meurtre à Canton", un roman policier de Robert Van Gulik, "Les choses" de Georges Perec voisine avec "La Caste" de Laurent Mauduit, "Réflexions sur la peine capitale" co-signé par Albert Camus et Arthur Koestler, est proche de "Les infortunes de la prospérité" de Daniel Cohen, "La chute de l’Empire aztèque" de "Toujours plus pour les riches".

Puis on pénètre doucement dans cet antre. Difficile de se faufiler entre toutes ces piles de livres, dans un espace modeste....Il y a là 12 000 ouvrages ! En apparence, les livres d’occasion semblent dominer mais, en réalité, ils ne sont que 30% contre 70% pour les livres neufs.

Cette librairie est une caverne aux trésors. Si vous cherchez un livre précis, le libraire vous le dénichera immédiatement. Patrick Bobulesco, de bon conseil, connaît tous les livres qu’il vend. Et il prend le temps de faire un commentaire sur l’auteur et son œuvre. Dialoguer avec un client fait partie des plaisirs de son métier.

Il a créé en 1983 "Le Point du Jour", sous forme d’une S.A.R.L., avec deux associés. A l’époque, acheter un fonds de commerce au Quartier latin ne nécessitait pas d’avoir une fortune.

Les clients sont notamment des enseignants, des étudiants de l’École Normale Supérieure, du Conservatoire national des Arts et Métiers, des établissements proches. Mais certains clients, qui ont entendu parler de la librairie par le "bouche à oreille", viennent parfois de loin.

Peu de romans, une très grande majorité d’essais liés à l’histoire sociale, au monde du travail, des livres de politique étrangère, de philosophie, des ouvrages inspirés par la pensée critique universitaire.

Parmi les livres les plus vendus :"Bullshit jobs" de David Graedner, et "Une histoire de la Raison" de François Châtelet.

Patrick Bobulesco a connu, comme libraire, l’âge d’or du Quartier latin : tous les éditeurs y avaient leur bureau et étaient donc aisément accessibles. Aujourd’hui, nombre d’éditeurs travaillent en banlieue et n’ont plus de contacts avec les libraires.

Autre évolution défavorable pour la librairie, il s’est opéré un processus de gentrification : des personnes aux revenus modestes qui la fréquentaient ont été remplacées par une population plus aisée.

Dernier changement, celui là provisoire, car lié à la période de crise sanitaire : un certain nombre d’étudiants, en télétravail, ne vient plus au Quartier latin et a déserté provisoirement "le Point du Jour".

Au sujet de cette crise sanitaire, et des nouvelles pratiques d’achats, Patrick Bobulesco est critique vis à vis du "Click and Collect" qui empêche toute discussion, tout échange : le libraire est réduit à un rôle de fournisseur d’un livre commandé. Le plaisir de discuter avec des clients disparaît.

Il est également critique vis-à vis du livre numérique. "La forme, dit-il, influence la qualité de la lecture". Or, on ne lit pas de la même manière un livre papier et un livre numérique, ne serait ce que parce que tous les livres numériques se ressemblent dans la forme : ils ont tous le même format, les mêmes caractères, contrairement aux livres papier, tous différents les uns des autres. Sans parler du plaisir de feuilleter des pages, de toucher du papier...

Un client entre dans la librairie, demande un livre rare, Patrick Bobulesco le trouve aussitôt dans ce très apparent fouillis, et entame un dialogue avec son interlocuteur.

On sort de ce lieu inspiré, et on retrouve avec plaisir, près de l’entrée, ce stimulant mélange de livres.

Heureux qu’il y ait encore des librairies à l’ancienne, comme "Le Point du Jour" !

-Le Point du Jour

58, rue Gay-Lussac, Paris 5ème

Tel : 01 43 26 20 17

Ad mail : librairie-lpj@wanadoo.fr