Un photographe m’a embarquée dans un nouveau projet, par hasard, dans un bistro du Quartier Latin. C’était un matin de mars, encore frais, rue Mouffetard, au sortir de La Bagagerie pour sans abri de la rue Daubenton. Une épidémie mystérieuse et macabre commençait à faire les titres des quotidiens proposés gratuitement aux clients de ce café-restaurant, « Le Verre à Pied », lieu convivial, étroit et long, que des vieilles glaces tentent d’agrandir, sous une flopée de petits tableaux à vendre. Des habitués et des artistes viennent y boire, y manger et discuter, à des prix modérés. Il n’est pas rare de s’y faire un nouvel ami, en sirotant un café ou un ballon, au comptoir cuivré, sous l’œil bienveillant du patron vaillant.
Armé de son appareil photo, Hervé Bacquer est ainsi venu chez moi, en moto. Délicatement, dans une chambre ensoleillée, il se jouait des reflets et des ombres pour photographier mon objet préféré, mes commentaires manuscrits sur cet objet et ma tête de sexagénaire sans fard. Ce triptyque devait figurer parmi d’autres dans "Mémoire d’objets", un projet de livre qui attend un éditeur, en marge de l’émission littéraire desmotsdeminuits.fr
J’ai choisi un livre de chevet de Marguerite Yourcenar, "La voix des choses", qui repose sur ma table de nuit depuis des années. Son papier crème épais est cousu sous une couverture claire estampillée nrf et Gallimard, si large qu’elle déborde en deux marque-pages bien pratiques. Dix-sept petites photos en couleurs de Jerry Wilson, ami de Yourcenar, agrémentent ce recueil de 53 courtes citations philosophiques et religieuses : paysages du monde, oiseaux, tombes japonaises embrumées au début… A la fin, la tête couverte d’un grand châle beige, Marguerite offre un quart de profil précis, le long nez tendu vers une mer floutée.
Un lecteur a ajouté, d’une écriture anguleuse, deux citations : « Vieillir, c’est organiser sa jeunesse au cours des ans... » (Paul Eluard) ; « La grâce du vieillissement est de faire fleurir de l’innocence sur une masse d’expérience... » (Louis Pauwels). A vrai dire, je préfère cette question choisie par Yourcenar chez Jakob Bohme, un mystique allemand : "où va l’âme après la mort ? Il n’est pas nécessaire qu’elle aille nulle part".
J’ai dérobé ce bel ouvrage dans la vaste bibliothèque de mon père défunt. Il faisait bon s’y ennuyer, entre deux bagarres fraternelles, dans une campagne verte et humide.
Où va l’âme après la mort, papa ?
Émission littéraire "Des mots de minuit" : https://desmotsdeminuit.francetvinfo.fr/
Sources illustrations
Photo de Marie-France Maniglier du photographe Hervé Bacquer au Verre à pied
Photo Verre à Pied (facebook public) https://www.facebook.com/leverreapied.fr/photos/a.251588598335005/253067501520448/?type=3&theater
Ce 30 novembre 2021, à 17h, Joséphine Baker est entrée au Panthéon pour son engagement dans la Résistance et sa lutte contre le racisme.
Du 1 au 8 juin, plus de 150 événements littéraires seront organisés sur ce thème en mairie et dans tous les lieux culturels du 5e.