Le Jeu de Paume, roi des jeux et jeu des rois

affiche paume
lun 05-03-2018 18:00
78 rue Bonaparte, 75006 Paris

Le 5 mars 2018, le Comité Quartier latin a organisé à la mairie du 6ème, une conférence sur l’histoire du jeu de paume, jeu lié à l’histoire du Quartier latin où il est pratiqué depuis 150 ans.

Jean-Marc Fontaine, secrétaire général de la Société de Longue Paume de Paris, commence sa conférence en expliquant les règles du Jeu de paume-la courte paume qui se joue en salle et la longue paume en plein air- et en retraçant ses débuts au 11 ème siècle. Des religieux s’amusent à l’extérieur avec une boule de chiffon, nommée l’esteuf (le terme de balle, dérivé de l’italien balla, sera utilisé à partir de 1534), lancée avec la paume de la main.

Ce jeu prenant de l’ampleur, au détriment du travail, Philippe le Bel, au 13ème siècle, promulgue un édit prohibant ce plaisir. Mais l’édit n’est guère respecté, le succès va croissant. En 1397, le prévôt de Paris autorise le jeu, mais seulement le dimanche, car les gens de métier quittent leur ouvrage pour jouer à la paume. Roi des jeux, le Jeu de paume devient le jeu des rois... Cependant, une malédiction va frapper plusieurs têtes couronnées. En juin 1316, Louis X le Hutin meurt à la suite d’ une partie de paume dans les fossés du château de Vincennes après avoir bu du vin trop froid. En avril 1498, à Amboise, le roi Charles VIII prend par la main la reine pour la conduire à une partie de paume qui devait se jouer dans les fossés du château , mais il se cogne la tête à un linteau de porte, s’écroule plus tard et meurt pendant la partie qu’il regardait. En 1506, le roi Philippe de Castille, après deux mois de règne, meurt d’une fièvre typhoïde, en jouant à la paume, après avoir transpiré sans s’hydrater.

Le jeu inventé en France va s’implanter en Angleterre après la défaite d’Azincourt, en 1415 : le duc d’Orléans, cousin de Charles VI, est emprisonné au château de Wingfield mais peut jouer à la paume...ce qui permet de faire connaître le jeu à la noblesse et à la bourgeoisie anglaises. Ironie de l’Histoire : c’est un Wingfield, en 1874, qui inventera les règles du tennis qui détrônera le jeu de paume....
Sous Louis XI, le jeu est plus réglementé : l’esteuf ne doit pas être rempli de sable, de chaux, des matières qui peuvent blesser l’adversaire. Et, pour frapper l’esteuf, la paume, après avoir été supplantée par le gant puis le battoir, est remplacée à partir de 1500 par des raquettes venant d’Italie. Mais les pauvres n’ont pas les moyens de les acheter ; d’où l’expression « jeux de mains, jeux de vilains ». De nombreuses expressions françaises sont originaires du jeu de paume : ainsi, l’expression« qui va à la chasse perd sa place » correspond, à l’origine, au changement de place des joueurs à la longue paume. La courte paume a créé « épater la galerie », « tomber à pic », « rester sur le carreau », »prendre la balle au bond », « faire faux bond ».
Les grandes années de la paume commencent avec François Ier qui adore ce divertissement. En 1527, il officialise la pratique professionnelle. Les tripots abritent des salles de paume et des maisons de jeux...où on peut « paumer son argent », à cause des paris.

En 1537, François Ier octroie aux maîtres-paumiers, qui fabriquent les esteufs, le monopole de leur vente. Henri II excelle au jeu, Charles IX l’aime passionnément, Henri IV a la réputation d’être constamment fourré dans la salle de paume. Montaigne, comme Rabelais qui fait une partie acharnée place de l’Estrapade en 1555, en sont de fervents amateurs. Le 4 août 1596, une partie mémorable se joue place Saint-André des arts. C’est en 1592 que les règles du jeu sont écrites. Deux ans plus tard, les maîtres-paumiers, qui détiennent les secrets de fabrication, obtiennent l’exclusivité de vendre balles et raquettes et d’organiser des tournois. 
En 1596, on compte 250 salles de jeux de paume à Paris, dont 6 rue Mazarine ! L’Anglais Dallington, en voyage en France, écrit en 1604 que les jeux de paume sont plus nombreux que les églises et qu’il y a davantage de joueurs de paume en France que de buveurs de bière en Angleterre. Le duc de Nemours, excellent joueur, est le héros du roman « La princesse de Clèves », de Madame de La Fayette.
Il est conseillé d’y jouer pour prévenir les rhumatismes et pour stimuler son esprit... 
Louis XIII est le dernier roi français à jouer à ce jeu ; il préfère d’ailleurs le jouer à l’extérieur.

 

LE DÉCLIN DU JEU DE PAUME

Tout change avec Louis XIV : celui-ci préfère le billard -inventé sous son règne- qui fait moins transpirer...Et les courtisans imitent le roi ! C’est le début du déclin du jeu de paume. Des salles sont investies par des troupes de théâtre. Molière occupe, avec sa troupe, une salle, rue Mazarine. Idem, rue de Buci. Les jeux de paume se transformant en théâtres, le nom des enfants des comédiens garde l’origine de ces salles, d’où l’expression « enfant de la balle »...En 1657, on compte encore 114 salles de courte paume à Paris.
Mais ce jeu reste lié à l’ l’Histoire : il fait une nouvelle victime royale en 1751 en la personne de Frédéric, prince de Galles, fils du roi d’Angleterre George II, qui meurt des suites d’un abcès à l’estomac causé par une balle de paume. En 1789, c’est, à Versailles, le fameux serment du jeu de paume, tenu dans la salle du jeu de paume, par les députés du Tiers État, qui marque le début de la Révolution française. 
Si les salles de courte paume sont en déclin, le jeu de longue paume se pratique de longue date aux Champs-Élysées -en 1820, une partie acharnée oppose Parisiens et Picards qui commencent à beaucoup y jouer . Mais, du fait de la construction du Palais de l’Industrie pour l’exposition universelle de 1855, les joueurs en sont chassés. En 1853, Napoléon III offre en compensation un terrain au jardin du Luxembourg qui fait encore aujourd’hui le bonheur des joueurs de longue paume, malgré l’orientation est/ouest du terrain : celle-ci a en effet pour conséquence que des joueurs sont éblouis par le soleil. Pour se changer, les joueurs ont eu successivement un kiosque en bois (1870), un kiosque en béton (1930) et un dernier en bois (1983). 
En 1861, pour remplacer la salle de courte paume détruite du fait de la construction de l’ Opéra, l’Empereur fait construire une salle au jardin des Tuileries ; elle sera transformée en 1907 en lieu d’exposition mais conservera le nom de « Jeu de paume ». La même année est construite 74 ter,rue Lauriston,dans le 16ème arrondissement de Paris, une salle de courte paume qui existe toujours. 
Mais la création du tennis, en 1874, porte un coup dur à la paume ; les deux sports ont des points communs, notamment la manière de compter les points : 0, 15, 30, 45...devenu 40 du fait d’un raccourci verbal ! Cependant, le tennis séduit davantage grâce à des règles plus simples et un rythme plus rapide.
Il y a encore des moments forts pour la paume : en 1889, une démonstration de longue paume est faite lors de l’exposition universelle de Paris ; et, surtout, en mai-juin 1900, la longue paume au Jardin du Luxembourg fait partie des Jeux athlétiques, plus tard qualifiés de Jeux olympiques par Pierre de Coubertin : la compétition réunit beaucoup de participants. Mais ce sport -cette fois la courte paume- ne sera plus accepté qu’à une seule reprise aux Jeux olympiques, à Londres en 1908. 
Pascal Guerout, président de la Société de Longue Paume de Paris, prend alors la parole pour faire l’état actuel de ce jeu. La longue paume n’est jouée qu’en France, au jardin du Luxembourg et en Picardie, sur 40 terrains. Un championnat de France a lieu à Paris début juin. Depuis 1892, à la demande de Pierre de Coubertin, lui même joueur de longue paume, un bouclier de Brennus -différent de celui du rugby- est offert au vainqueur. La fédération de longue paume a été créée en 1921 par Gabriel-Joseph Raynal, lui-même joueur, qui a laissé une forte empreinte. Il y a environ 1200 joueurs.
La courte paume est jouée dans quatre pays : Grande-Bretagne (6000 joueurs) Etats-Unis (2200 joueurs) Australie (250 joueurs) et France (250 joueurs).
Trois salles de courte paume existent en France, à Fontainebleau, à Bordeaux et à Paris, une quatrième salle à Pau n’accueille la courte paume que le week end.
Il y a environ 75 joueurs professionnels de courte paume dans le monde et un circuit international.
Les raquettes ne sont fabriquées que dans deux endroits, en Angleterre et aux Etats-Unis.
Les tarifs d’inscription diffèrent : en France, par exemple, il faut 80 euros de frais d’inscription annuels pour la longue paume et environ 1000 euros pour la courte paume.

En conclusion, les conférenciers, très applaudis, vantent les mérites de ce sport qui peut être joué par des femmes comme par des hommes, par des jeunes comme par des anciens et qui nécessite de la force et de l’adresse.

 

Vous retrouverez ci-dessous : Carte de Paris de 1553 montrant des joueurs de longue Paume en extérieur près de la rue de seine