Goujat

Isabelle Rivals

De nos jours, un goujat est bien sûr une personne dépourvue de savoir-vivre. En effet, le mot a d'abord désigné en français un valet d'armée puis un apprenti maçon d'où, peut-être injustement, en raison de la modestie de leurs origines, un sens de saleté et de grossièreté.
Cependant, le mot est emprunté au provençal dont le sens propre est "garçon, jeune homme", sans nuance péjorative. En languedocien gouge et goujat signifient toujours jeune fille (non mariée) et jeune homme, et aussi servante et serviteur, domestiques. Selon le Robert comme le Bloch & Wartburg, ces termes viendraient à l'origine de l'hébreu goya "chrétienne, servante chrétienne" (de même que le masculin goy signifie chrétien, non juif).
Je me suis interrogée sur l'origine du mot en retombant sur la fable de La Fontaine :

Certain Renard Gascon, d'autres disent Normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille 
Des raisins mûrs apparemment,
Et couverts d'une peau vermeille.
Le galant en eût fait volontiers un repas ;
Mais comme il n'y pouvait atteindre :
"Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. "
Fit-il pas mieux que de se plaindre ?
— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Renard et les Raisins (1668)

Comme l'écrit Sophie Lavault dans son livre "Revenir à soi" (Albin Michel, 2023) : " La morale de l'histoire est de s'interroger sur cette irrationalité : "Est-elle finalement nocive ou bénéfique, sachant qu'elle lui a permis de résoudre sa tension interne et d'éviter une frustration ?" "