Alfin

Isabelle Rivals

L'alfin est la pièce des jeux d'échecs médiévaux qui deviendra plus tard le fou. Le mot vient, par l’intermédiaire de l’espagnol alfil, de l’arabe فيل, fīl « éléphant ». En effet, le jeu d'échec est originaire des Indes, mais il a été transformé successivement par les cultures perse, arabe et enfin occidentale, plusieurs pièces évoluant d'éléments d'une armée à ceux d'une cour royale. Parmi elles, l'éléphant fut tellement stylisé par les arabes (la représentation figurée d'êtres animés étant théoriquement interdite par l'islam) qu'ils n'en gardèrent que les défenses, au point que les chrétiens du moyen âge y virent soit une mitre d'évêque, soit un bonnet de bouffon : c'est ainsi que l'évêque et sa mitre ont eu à peu fait leur apparition sur les échiquiers anglo-saxons, tandis qu'ailleurs, ce sont le fou et son bonnet qui ont été adoptés.

" L'ivoire n'est cependant pas la seule matière animale dans laquelle sont taillées les pièces d'échecs médiévales ; il est réservé aux pièces de grand prix, celles que l'on montre mais avec lesquelles on ne joue pas ou rarement. Les autres matériaux utilisés pour les jeux d'échecs ordinaires ne sont cependant pas très éloignés de l'ivoire et sont parfois également travaillées par les ivoiriers : os de cétacés ou de gros mammifères, bois de cervidés, cornes de taureaux. Ce sont de matériaux qui conservent quelque chose du monde sauvage et qui introduisent sur l'échiquier ne certaine idée de fougue et de force : en jouant avec de telles pièces, dompter symboliquement l'alfin ou le roc de l'adversaire n'est pas toujours chose aisée. Quelquefois, surtout au XVe siècle, des matières animales moins "indomptables" sont employées : la cire, lambre, le corail. " Extrait d'Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental de Michel Pastoureau (Editions du Seuil, 2004).